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Conférence de presse avec le GMI russe Vladimir Kramnik

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KARLOVICH: Mesdames et messieurs, inutile de vous présenter notre invité. Tout le monde connaît l'ex-champion du monde et premier échiquier de l'équipe de Russie Vladimir Kramnik. Nous souhaitons tout d'abord le féliciter pour sa victoire contre le GMI arménien Aronian. Nous sommes très heureux et très reconnaissants qu'il nous consacre ainsi du temps et je lui demanderai pour commencer de partager avec nous ses impressions sur cette partie particulière et plus généralement son sentiment sur la performance de l'équipe de Russie jusqu'à aujourd'hui.

KRAMNIK: En ce qui concerne le match, il est clair que nous n'allons pas le perdre. Maintenant, j'espère qu'on va réussir à le gagner : nous avons de bonnes chances au 4ème échiquier. J'espère que Jakovenko va l'emporter. Le résultat du match dépendra de Grischuk aussi. Sasha est toujours en zeitnot et joue toujours des positions tendues. Mais heureusement ça tourne toujours bien pour lui.
En ce qui concerne ma partie, j'ai vraiment été surpris en bien. Tout s'est passé en douceur. Levon est un joueur incroyable, qui plus est dans la forme de sa vie. Moi, de mon côté, j'avais les Blancs et j'ai donc pressé pour gagner. Mais ça a rapidement tourné en ma faveur. Levon s'est retrouvé dans un position difficile dès la fin de l'ouverture. Puis il loupe des coups tactiques comme Cxb7 ou peut-être Db6. Je ne sais pas exactement. Mais après c'était plié et j'ai juste eu à calculer avec précision les variantes, ce que je suis parvenu à faire, à ma grande surprise. Je dois avouer que je n'avais pas beaucoup aimé mes deux précédentes parties qui ont été décevantes, surtout la partie contre Wang Hao où je suis passé à côté d'un gain facile. Au moins cette fois je suis réhabilité et ai gagné, je l'espère, une partie très importante pour le gain de ce match.

FONTAINE: Au moment où vous sacrifiez, comprenez-vous d'emblée que la position est gagnante ?

KRAMNIK: En tout cas je pensais bien qu'elle l'était. Mais quand on joue contre un joueur de sa trempe, on se met à douter et à se demander s'il n'aurait pas une botte secrète. Quand j'ai sacrifié, j'ai tout de suite vu ce que ça donnerait avec Db6, et avec toute cette variante Tb7, Tc6, Tb8, Db8. Je n'ai pas vraiment calculé Da8. je me suis dit qu'après Da8 je n'avais plus qu'à jouer Rh1 et b5. Mais alors j'ai calculé b5, variante que je j'ai joué dans la partie et qui était assez simple. J'avais le sentiment qu'après Ra5 la position noire était déjà difficile. Je pense que Tc7 est une erreur. Il aurait dû jouer autres chose mais la position noire était déjà difficile, surtout avec un pion en f6. Avec un pion en f7, ça n'aurait pas été pareil. Mais le pion f6 n'est pas réjouissant. Après tout s'est bien passé au plan tactique.

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FONTAINE: Comment vous-êtes vous prépare pour la partie contre Aronian. Vous l'avez récemment rencontré en match mais j'imagine que là c'était une autre histoire.

KRAMNIK: En fait, on s'est déjà beaucoup rencontré cette année : nous avons joué un match en six parties, des parties rapides, nous avons aussi joué à Moscou. C'est bien entendu de se préparer et j'ai ressorti tous mes fonds de tiroir théoriques pour trouver de quoi l'embêter. Heureusement, j'avais un jour de repos hier et j'ai pu prendre du temps pour essayer de trouver des idées. Je pense avoir réussi à créer une certaine pression à la fin de l'ouverture.

KARLOVICH: En fait, pendant le jour de repos, vous avez préparé le match. Pas de repos ni de visite touristique ?

KRAMNIK: Avant la journée de repos, toute l'équipe russe est allée diner à Istanbul. On a aussi fait un bowling. Rien de bien méchant. On s'est juste baladés et on est rentrés. Les Olympiades, c'est un des tournois les plus durs. Quand on joue en équipe, on doit se sentir encore plus responsable. En plus, quand on joue au premier échiquier, on ne joue que des têtes d'affiche et des habitués des grands tournois. C'est comme le Mémorial Tal, sauf qu'au Mémorial Tal, on sait à l'avance contre qui on va jouer. Ici, c'est l'inconnu, avec une cadence un peu inhabituelle pour moi. La dernière fois que j'ai joué à cette cadence, c'était aux Olympiades de Khanty Mansiysk. Nous sommes là pour gagner, ce n'est un mystère pour personne, évidemment. Donc, il y a beaucoup de pression et de responsabillité. Alors je n'ai de temps pour rien, vraiment rien : pas de Bermuda Party, pas de tourisme. Le programme c'est travail, jeu, sommeil, et travail.

 

KARLOVICH: Quelle est l'ambiance dans l'équipe ? Nous n'avons pas vu Svidler ou Morozevich. Mais vous semblez bien vous débrouiller sans eux.

KRAMNIK: Je vais vous dire, en équipe de Russie, l'ambiance est toujours bonne. Ce sont mes 7ème Olympiades et nous avons toujours eu cette bonne ambiance. Nous avons des relations amicales, ce qui ne suffit pas nécessairement pour avoir de bons résultats, certes. Quoi qu'il en soit, l'équipe est géniale. On se soutient mutuellement, on se donne des conseils, on s'aide. Mais encore faut-il gagner et encore une fois, je le répète, c'est un tournoi très très relevé. Pour le moment, tout va bien, mais il est encore trop tôt pour se relâcher.

FONTAINE: Vous avez un nouveau sélectionneur, Yuri Dohoyan. Comment se passé le travail avec lui et a-t-il apporté apposé sa marque sur l'équipe ?

KRAMNIK: Ce n'est pas difficile, Yuri est le meilleur. C'est vraisemblablement le meilleur sélectionneur au monde à l'heure actuelle. Garçons et filles confondus. Il a entraîné Gary, qui est arrivé aujourd'hui et avec qui on a déjà discuté. Yuri c'est vraiment le top. Il a déjà emmené l'équipe feminine au titre. On est vraiment contents de l'avoir avec nous. S'il a apposé sa marque ? Oui, il a déjà changé quelques petites choses. Mais je ne veux pas trop en dire pour le moment. Ce ne serait pas très correct d'évoquer ça.

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Question des journalistes : Si je ne me trompe pas, l'équipe russe n'a pas perdu une seule partie pour l'instant. Est-ce une consigne du sélectionneur : on essaie de gagner avec les Blancs et ont assure la nulle avec les Noirs ?

KRAMNIK: Je ne dirais pas ça comme ça. Nous avons par exemple gagné deux parties avec les Noirs contre la Chine. Mais, pour répondre, il y a un nouveau système de comptage des points cette année aux Olympiades qui pousse moins au gain à tout prix. L'important c'est de gagner le match puisque gagner 2,5 à 1,5 ou 4 à 0 revient au même. Avant on marquait le nombre de points marqué par l'équipe. Dans notre équipe tous nos joueurs sont forts. Nous essayons de jouer solide mais nous essayons tous de gagner, bien évidemment. Yuri ne passe pas son temps à nous le répéter mais c'est assez évident. Après, chacun joue comme il sait le faire. Par exemple, Grischuk joue dans un style compliqué et agressif. Mais c'est son jeu. Moi, je suis déjà un vieux et je joue plus positionnel. Selon moi, une équipe qui ne lâche pas une partie a d'autant plus de chances de gagner les Olympiades.

KARLOVICH: J'aimerais vous demander quelle sera la suite pour vous. A quels tournois allez-vous participer

KRAMNIK: Une chose est sûre, je joue le London Classics. Après il y a des chances que je joue Wijk aan Zee si je suis finalement invité. Puis évidemment les matchs des candidats. Il y a aussi d'autres événements importants que je ne peux encore annoncer pour le moment. Je laisse ce soin aux sponsors et aux organisateurs. En mai de l'année prochaine, il y aura un nouvel événement. Un tournoi de très haut niveau. Je peux annoncer que j'y iparticiperai mais je ne peux pas vous dire qui seront mes adversaires. Après on aura le Mémorial Tal, Dortmund et aussi un tournoi sympa en Corse. Je ne manque pas de perspectives. Mais en attendant, et quelque soit le résultat ici, je me reposerai après les Olympiades. Mon agenda est plutôt tendu pour mon âge canonique. Bien sûr, je ne peux plus jouer autant que mes jeunes rivaux mais mon agenda est quand même bien garni. Ah oui, j'oubliais, il y a un tournoi à Zurich avec quatre forts joueurs. Je pense que je vais aussi y participer. Ça devrait se dérouler dans la première moitié de l'année à prochaine.

KARLOVICH: Vous préférez jouer les compétitions individuelles ou par équipes ?

KRAMNIK: Il y a sans conteste plus de pression et de responsabilité quand on joue dans un tournoi par équipes. Mais d'un autre côté, c'est toujours sympa de jouer dans une bonne ambiance. Ça donne plus de temps pour être entre amis. Disons que psychologiquement c'est plus facile de jouer pour soi dans les tournois individuels.

KARLOVICH: Merci beaucoup Vladimir et bonne chance pour vos parties !